Congés d'été : quatre Français sur dix ne s’évadent pas durant la trêve estivale, faute, notamment, de moyens financiers suffisants

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« Les trains bondés, les aéroports saturés et les campings complets ne doivent pas faire illusion : la “fracture touristique” persiste »

CHRONIQUE
auteur : Jean-Michel Bezat

Près de quatre Français sur dix ne s’évadent pas durant la trêve estivale, faute, notamment, de moyens financiers suffisants.

Une fracture qui ne s’est pas réduite au cours des trente dernières années, dans la plus grande indifférence, souligne dans sa chronique Jean-Michel Bezat, journaliste au « Monde ».

Cet été, comme chaque été, les bénévoles du Secours populaire emmèneront « à la mer » plusieurs milliers d’enfants de la région parisienne. Certains la verront pour la première fois au cours de cette journée d’août sur les bords de la Manche, parenthèse de sable et de sel durant ces deux interminables mois passés au pied des tours HLM. L’association leur a trouvé un nom, « les oubliés des vacances », et cela fait plus de quarante ans qu’elle ne les oublie pas en rééditant une opération, très médiatisée, qui met en lumière l’une des injustices les plus criantes dans une société riche.

En 1936, le Front populaire octroie aux salariés douze jours de congés payés par an, par conviction et pour en finir avec les grèves. Il lance ainsi la démocratisation des vacances, qui prendra son essor dans les années 1950-1960. L’avant-guerre voit le début du tourisme social. Dix ans plus tard, le préambule de la Constitution de 1946 assure que « la nation garantit à tous (…) la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs » – engagement repris en 1998 par la loi sur la lutte contre les exclusions. Le dernier avatar de cette promesse fut l’utopique « ministère du temps libre », créé en 1981 pour « conduire, par l’éducation populaire, une action de promotion du loisir vrai et créateur », dont il reste le Chèque-Vacances pour seul héritage.

Montée en gamme


La démocratisation des vacances s’est affirmée durant les « trente glorieuses » et jusqu’au début des années 2000, où le mouvement s’est arrêté. Les trains bondés, les aéroports saturés et les hôtels ou les campings complets ne doivent pas faire illusion : la « fracture touristique » persiste.

Près de quatre Français sur dix ne s’évadent pas durant la trêve estivale, dont les deux tiers faute, notamment, de moyens financiers suffisants.

Pour la froide définition de l’Organisation mondiale du tourisme, l’évasion se résume à quatre nuits consécutives hors de chez soi, y compris dans la famille ou chez des amis. Cette fracture ne s’est pas réduite au cours des trente dernières années, dans la plus grande indifférence.

L’écrasante majorité des cadres supérieurs et des professions libérales partent ; à peine la moitié des ouvriers. L’exclusion s’étend, notait le politiste Jérôme Fourquet dans une note de la Fondation Jean Jaurès publiée mi-2019, après la crise des « gilets jaunes ».

Ces vacances interdites sont, selon lui, « une des manifestations les plus symptomatiques du décrochage du bas de la classe moyenne », incapable d’« accéder aux standards du “way of life” français ».

Si le pouvoir d’achat a globalement progressé ces dernières années, le poids des dépenses contraintes, comme le logement, et la hausse des prix (+ 5,8 % sur un an), ne fait qu’accroître la fracture.

Les aides aux vacances ne suivent plus et ne vont pas aux plus démunis.

source : https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/07/04/les-trains-bondes-les-aeroports-satures-et-les-campings-complets-ne-doivent-pas-faire-illusion-la-fracture-touristique-persiste_6133275_3232.html

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