« Un mètre d’ici 2100 » : grâce aux satellites, on sait que la hausse du niveau de la mer s’accélère

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« Un mètre d’ici 2100 » : grâce aux satellites, on sait que la hausse du niveau de la mer s’accélère

Selon les experts, le niveau de la mer a déjà gagné entre 15 et 25 cm depuis 1900 et la hausse s’accélère

 

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Grâce aux satellites, on sait que le phénomène s’accélère.

La Baule le 05 Septembre 2023 - Membre de l’Académie des sciences, Anny Cazenave

De combien est la hausse du niveau de la mer actuellement ?

La mer monte et ça s’accélère. Au début des années 1990, la hausse était de deux millimètres par an. Aujourd’hui, elle est de cinq millimètres. C’est plus que multiplié par deux.

Depuis trente ans, le niveau de la mer s’est élevé d’à peu près quinze centimètres. À comparer avec le XXe siècle : grâce aux marégraphes, on estime que le niveau s’est élevé de quinze centimètres en un siècle.

 Il y a vraiment une accélération du phénomène.

Et en France ?

Que ce soit sur la façade Atlantique ou en Méditerranée, la hausse du niveau de la mer se fait à peu près à la vitesse moyenne globale. C’est aussi ce que l’on projette pour le futur. Mais cette moyenne va continuer à augmenter. On parle aujourd’hui d’atteindre une élévation de plus d’un mètre en 2100 (c’est une probabilité, pas une certitude).

C’est la moitié de la Camargue sous l’eau et une grande partie de la façade Atlantique, dont l’estuaire de la Loire, la Presqu’île de Guérande, etc.

Ce chiffre fait consensus au sein de la communauté scientifique, si on continue à émettre la même quantité de gaz à effet de serre qu’aujourd’hui. Si on atteignait le zéro carbone en 2070 (l’objectif en Europe est la neutralité carbone en 2050 NDLR), l’élévation sera d’un peu moins d’un mètre. Mais on est mal parti…

Membre de l’Académie des sciences, Anny Cazenave a rédigé le chapitre d’un rapport du Giec sur l’élévation du niveau de la mer.

« Grâce aux satellites,
on sait que le phénomène s’accélère
 »,
a-t-elle expliqué à La Baule mardi 5 septembre 2023.

 

La scientifique Anny Cazenave, à La Baule, mardi 5 septembre. | OUEST-FRANCE
La scientifique Anny Cazenave, à La Baule, mardi 5 septembre. | OUEST-FRANCE
 

Mesure des variations du niveau de la mer

Au cours du XXe siècle, le niveau de la mer a été mesuré à l’aide de marégraphes installés le long de certaines côtes continentales et sur quelques îles. L’analyse de ces données indique qu’au cours du siècle passé le niveau de la mer s’est élevé à une vitesse moyenne de l’ordre de 1,7 mm par an.

Altimétrie spatiale

Depuis le début des années 1990, les satellites altimétriques permettent de mesurer avec une grande précision l’évolution du niveau moyen des mers sur l’ensemble du domaine océanique.

L’avantage de cette technique est double.

D’une part, elle fournit une couverture complète du domaine océanique (et permet donc de réellement suivre l’évolution du niveau moyen global de la mer) ; d’autre part, la mesure du niveau de la mer est « absolue », c’est-à-dire indépendante des mouvements de la croûte terrestre, contrairement à la mesure marégraphique, mesure relative du niveau de la mer par rapport au sol.

Bien que l’altimétrie spatiale ait été développée dès la fin des années 1970, il a fallu attendre la mission altimétrique TOPEX/Poseidon, développée conjointement par le CNES* en France et la NASA* aux USA et lancée en août 1992, pour atteindre le niveau de performance requis pour l’étude de la dynamique océanique et la mesure des variations du niveau moyen global de la mer. TOPEX/Poseidon a été suivi par plusieurs satellites altimétriques de haute précision destinés à surveiller l’océan sur le long terme : Jason-1 en 2001 puis Jason-2 en 2008. Jason-3 devrait être lancé en 2013.

Principe de la mesure altimétrique

Le principal instrument emporté par le satellite altimétrique est un radar altimètre qui mesure la distance entre le satellite et la surface instantanée de la mer à intervalles réguliers d’une seconde, à partir du temps de parcours aller-retour de l’onde radar (figure 1).

Fig. 1 – Principe de la mesure altimétrique
Fig. 1 – Principe de la mesure altimétrique

 

Ce radar émet un signal à très haute fréquence (plus de 1 700 impulsions par seconde) à la verticale du satellite en direction de la surface des océans et reçoit en retour l’écho réfléchi par la mer.

L’analyse de l’écho radar permet d’extraire une mesure très précise du temps de trajet aller-retour entre le satellite et la surface de la mer, ainsi que de la hauteur des vagues et de la vitesse du vent. Ce temps est ensuite transformé en distance par simple multiplication avec la vitesse de la lumière, vitesse à laquelle se propagent les ondes électromagnétiques émises. En moyennant sur une seconde les distances estimées, on obtient une mesure très précise de la distance satellite-océan. La quantité qui intéresse l’océanographe est la hauteur de mer par rapport à une référence fixe.

Cette hauteur est obtenue par la différence entre la mesure altimétrique (la distance satellite-surface) et l’altitude du satellite par rapport à cette référence fixe (en général un ellipsoïde de référence qui coïncide avec la forme moyenne de la Terre).

Le niveau des océans s’obtient par simple différence entre l’orbite du satellite et la distance altimétrique.

L’altitude du satellite au-dessus de l’ellipsoïde de référence est déterminée en temps différé par un calcul d’orbite précis, qui nécessite un modèle complet des forces agissant sur le satellite, ainsi que des mesures très précises de distances et de vitesses relatives entre celui-ci et des stations géodésiques au sol. Ces mesures de poursuite reposent sur le système de localisation DORIS* comprenant un réseau de balises au sol émettant en direction du satellite, la télémétrie laser entre des stations au sol et le satellite, ainsi que des mesures GPS entre la constellation des satellites GPS et des récepteurs embarqués sur le satellite.

 

En s’appuyant sur des modèles des forces agissant sur le satellite (gravité de la Terre, attraction de la Lune, du Soleil et des autres planètes, freinage de l’atmosphère, pression de radiation solaire, marées terrestres et océaniques, etc.), on calcule une trajectoire théorique du satellite que l’on recale en permanence en utilisant les mesures de poursuite. Ce processus permet de déduire à tout instant la trajectoire exacte du satellite, soit son altitude par rapport à l’ellipsoïde de référence, et donc la hauteur de la mer.

Pour déterminer la hauteur instantanée de la mer il faut d’abord connaître sa surface en l’absence de toutes perturbations (vent, marées, courants, etc.). Cette surface, appelée géoïde*, n’est pas plane mais présente des creux et des bosses permanents reflétant les variations de l’attraction terrestre d’un point à l’autre de la Terre, causées par les différences des masses à l’intérieur du globe solide et par la topographie des fonds marins. On suppose en première approximation qu’il s’agit d’une composante qui ne varie pas dans le temps (les échelles temporelles de variations liées à la dynamique interne de la Terre sont considérées comme infiniment longues pour les applications océanographiques de l’altimétrie).

Il est ensuite nécessaire d’étudier la dynamique océanique.

Cette composante résulte de plusieurs facteurs : la circulation océanique qui comprend une partie permanente stationnaire (circulation permanente liée à la rotation de la Terre par exemple) et une partie variable (liée principalement aux vents, aux variations de température et de salinité), les marées, la variabilité saisonnière, la variabilité interannuelle à multidécennale liée à la fluctuation naturelle du système couplé atmosphère-océans (El Nino-Southern Oscillation/ENSO*, North Atlantic Oscillation/NAO*, Pacific Decadal Oscillation/PDO*, etc.), ainsi que d’autres effets liés à la réponse de l’océan à différents forçages (éruptions volcaniques, réchauffement anthropique, etc. ; cf. I-5).

Les creux et bosses permanents de la surface marine ont une amplitude de plusieurs mètres à plusieurs dizaines de mètres. Le signal océanique a pour sa part une amplitude maximale de l’ordre du mètre

Corrections à apporter

Ces corrections concernent la propagation de l’onde radar dans l’atmosphère, l’état de surface de la mer et certains effets géophysiques que l’on souhaite corriger pour extraire le signal recherché (par exemple, les marées océaniques).

Les ondes électromagnétiques sont ralenties pendant leur traversée dans l’atmosphère à cause des électrons contenus dans l’ionosphère, de la vapeur d’eau présente dans la troposphère* et des variations de pression de l’air sec.

En général, le satellite emporte un radiomètre qui mesure le contenu en vapeur d’eau de la troposphère afin de corriger la mesure « altimétrique » de l’allongement apparent de la distance satellite-surface de la mer causé par la présence d’eau lors de la traversée du signal dans la basse atmosphère. La correction dite « ionosphérique » est basée sur l’analyse du signal radar dans deux bandes de fréquences différentes, sinon sur un modèle d’ionosphère. Pour les autres corrections, on utilise des modèles dont certains sont eux-mêmes issus de l’observation altimétrique, comme celui des marées océaniques (processus itératif classique en Sciences de la Terre, qui consiste à améliorer les quantités inconnues par étape, chacune à son tour, en utilisant à chaque étape les meilleures estimations des autres variables).

Une fois appliquées les corrections nécessaires pour prendre en compte ces phénomènes physiques, la mesure finale de la hauteur instantanée de la mer est estimée aujourd’hui avec une précision de 2-4 centimètres.

Cette incertitude est basée sur l’évaluation de toutes les erreurs affectant le système altimétrique. Les deux plus grands postes d’erreur sont la correction due à la présence de vapeur d’eau dans l’atmosphère et l’erreur sur la position du satellite dans l’espace (erreur d’orbite). Jusqu’au lancement du satellite TOPEX/Poseidon en 1992 – qui a marqué l’avènement de l’altimétrie de haute précision – l’erreur d’orbite pouvait atteindre plusieurs décimètres, ce qui empêchait d’extraire le signal lié à la dynamique océanique avec une précision suffisante.

Le gisement de coques à La Baule  par marée basse sur www.la-baule-360.com
Le gisement de coques à La Baule par marée basse sur www.la-baule-360.com

Cependant, les missions antérieures ont permis de cartographier pour la première fois avec une très haute résolution spatiale la surface moyenne de la mer, ce qui a conduit à d’importantes applications en géophysique marine.

Fig. 2 – Couverture de la surface terrestre obtenue au cours d’un cycle orbital par les satellites Topex/Poseidon et Jason-1 et 2. Les lignes blanche sont appelées « traces ».
Fig. 2 – Couverture de la surface terrestre obtenue au cours d’un cycle orbital par les satellites Topex/Poseidon et Jason-1 et 2. Les lignes blanche sont appelées « traces ».

Evolution temporelle du niveau moyen

Les satellites TOPEX/Poseidon et Jason-1 et 2 évoluent à une altitude de 1 336 km sur une orbite inclinée à 66° par rapport à l’équateur – de ce fait la couverture est limitée à 66° Nord et Sud en latitude. L’orbite est « répétitive », c’est-à-dire que le satellite repasse sur les mêmes points au sol tous les 10 jours, offrant ainsi un échantillonnage homogène de la surface du globe pendant ce « cycle orbital » (figure 2).

Altitude, inclinaison et période de répétitivité sont des paramètres caractéristiques des missions altimétriques. Ils déterminent aussi la distance inter-traces à l’équateur – les traces sont la projection du plan orbital à la surface terrestre : ce sont les lignes présentées sur la figure 2 (de l’ordre de 350 km). Les satellites de l’Agence spatiale européenne, AIR 1 et 2 et Envisat, aussi utilisés pour la mesure du niveau de la mer, volent à une altitude voisine de 800 km. Leur inclinaison est de 98°. En conséquence leur cycle orbital est plus long (35 jours) mais le quadrillage de l’océan est plus serré que pour TOPEX et Jason, avec une distance inter-traces à l’équateur de 75 km.

Fig. 3 – Courbe d’évolution du niveau moyen global de la mer mesuré par altimétrie par 3 groupes différents. © CLS, CNES*, LEGOS
Fig. 3 – Courbe d’évolution du niveau moyen global de la mer mesuré par altimétrie par 3 groupes différents. © CLS, CNES*, LEGOS

En moyennant les hauteurs de mer mesurées au cours d’un cycle sur l’ensemble du domaine océanique, on obtient une valeur du niveau moyen des océans. D’un cycle à l’autre ce niveau moyen varie. On peut ainsi construire une courbe d’évolution du niveau moyen de la mer, comme illustré sur la figure 3.

Depuis 1993, la mer monte donc à la vitesse de 3,4 mm par an avec une incertitude associée d’environ 0,5 mm par an.

Si Toute la Glace Fond, la France Ressemblerait à Ça, Ici, la Bretagne...  Découvrez l'astuce ici : https://www.comment-economiser.fr/montee-eaux-france.html
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Enfin, à partir de l’ensemble des mesures réalisées par les satellites sur une période de temps donnée (par exemple une semaine), on peut aussi calculer des grilles de hauteur de mer sur l’ensemble du domaine océanique en interpolant les mesures réalisées le long des traces sur un maillage régulier et en calant au préalable les mesures de toutes les missions entre elles. On obtient ainsi des séries temporelles de grilles de hauteur de mer. Le calcul, en chaque point de grille*, de la tendance linéaire sur la période altimétrique, associée à la variation temporelle locale du niveau de la mer, permet d’obtenir une cartographie des vitesses de variation du niveau de la mer sur la période 1993-2010 (c’est-à-dire depuis le lancement de TOPEX/Poseidon).

On observe qu’au cours des deux dernières décennies, la hausse du niveau de la mer n’est pas uniforme et que dans certaines régions elle a été trois fois plus rapide que la hausse moyenne globale.

source: https://books.openedition.org/editionscnrs/11376

Référence bibliographique

Site AVISO préparé et mis à jour par le CNES et sa filiale CLS : http://www.aviso.oceanobs.com/fr/accueil

source : https://books.openedition.org/editionscnrs/11376

How climate change, rising sea levels are transforming coastlines around the world

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